Le dimanche de la Saint-Firmin, répondant à l'appel de la Coupe de France et n'écoutant que leur courage, une escouade de quatre valeureux mousquetaires, plus bretons que gascons, sautèrent sur leurs montures et se rendirent sur les bords du Golfe, du Morbihan et non de Gascogne, pour y combattre en duel les gardes du Maréchal.

Au premier poste de combat, le jeune cadet d'Artagnan affronte le capitaine des gardes, messire du Plessis. Averti que la ruse paie souvent bien mieux que la fougue, et inspiré par les hauts faits d'un célèbre bretteur du Nord, qui enseigne à tirer parti du plus petit avantage, le premier des mousquetaires retient ses assauts, se garde bien de se découvrir, mais repousse avec constance son adversaire dans ses retranchements. Débordé, ce dernier pare, se protège, se met à l'abri ; il subit alors une estafilade, puis deux, avant de sentir la lame pointer sur sa gorge ; il se rend. Aux âmes bien nées la valeur n'attend point le nombre des années !

Le ténébreux Athos (#2) fait face à un homme du sud à l'accent chantant et à l'air redoutable, connu sous le nom de Jarnac. D'abord sous pression et assailli de toutes parts, Athos parvient à se dégager, et même à prendre l'avantage. Il porte alors un coup d'estoc qui perce son adversaire au côté et le fait chanceler. Mais c'est compter sans la fameuse botte de Jarnac : celui-ci s'écrase contre terre et porte un coup de taille qui déchire le jarret, mais lui fait lâcher son arme ; Athos se fait surprendre, mais a le réflexe d'un saut latéral, qui lui évite d'être saigné, mais le laisse aussi échapper son arme ! Eloignant les armes du pied, les deux hommes en viennent aux poings ; diminués par leurs blessures, rivalisant de maladresse, ils ne parviennent plus à trouver les forces pour se départager.

L'intrépide Porthos (#3) s'est engagé pendant ce temps dans un combat sans merci contre le plus jeune des gardes. Il saute et tire à tout va, taille et tranche, débordant d'énergie, emportant tout sur son passage. Un peu emballé par moments, il néglige sa garde, manque plusieurs fois de se faire embrocher ; son adversaire riposte avec ardeur, mais aussi quelque maladresse ; la Fortune semble balancer, privilégier tour à tour l'un ou l'autre, sans parvenir à se décider.

Pendant ce temps, le vaillant Aramis (#4) est aux prises avec le maître d'armes. De feintes feutrées en bottes astucieuses, de parades adroites en ripostes éclair, ils déploient toute leur science, sans verser beaucoup de sang. La fatigue s'accumule de part et d'autre, les coups deviennent lents et lourds, mais les deux escrimeurs tiennent leur position. Jusqu'à ce qu'Aramis commette une petite erreur : un pas en arrière plutôt qu'en avant... il n'en faut pas plus à maître Laurent pour lui porter un coup sec au poignet, qui lui fait lâcher son arme et se rendre.

Alors que Porthos porte le dernier espoir des mousquetaires, son garde prend un avantage décisif en le désarmant. Mais c'est compter sans la ruse du mousquetaire, qui parvient à se hisser sur une tribune et à tenir son adversaire à distance à l'aide d'un long bâton ; incapable de l'atteindre ou de le rejoindre, celui-ci se résigne à considérer la partie comme remise.

Aux termes de la convention de Berlin, ce résultat de parité, une victoire pour chaque camp, fut résolu au profit du capitaine victorieux ; c'est ainsi que les glorieux mousquetaires s'emparèrent de la bannière et la ramenèrent à l'estaminet de Betton, où les libations se poursuivirent fort tard dans la nuit.